Si la gauche passe, je me rétracte»: cette clause inédite qui peut faire capoter une vente immobilière

lundi 1 juillet
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« Si la gauche passe, je me rétracte»: cette clause inédite qui peut faire capoter une vente immobilière »


"À chaque élection où les extrêmes risquent de l'emporter, on reparle de cette clause", plaisante un agent immobilier expérimenté, souvent sollicité par ses clients. De quoi s'agit-il ? Annuler une vente si un parti extrême remporte les élections. Ce type de demande se multiplie, bien que rares soient ceux qui acceptent d'en parler ouvertement. Un notaire lyonnais a accepté de le faire. "Un client, qui s'était mis d'accord sur le prix avec le vendeur, nous a dit que si le Nouveau Front Populaire (NFP) gagnait, il voulait se rétracter, comme en 1981 avec François Mitterrand. Il nous a donc demandé s'il pouvait inclure, dans la promesse de vente, une clause annulant la transaction si le NFP gagne les élections", raconte Me Martin Bretagne, notaire à Givors, près de Lyon. En attendant les résultats du second tour, le 7 juillet, la vente a été mise en "stand-by". Cela reflète une attente et des craintes liées à l'instabilité politique, qui bloquent une fois de plus le marché immobilier.


Cette clause, assez surprenante, suscite le débat chez les notaires. "Faut-il céder à tous les caprices fantasques des clients ?", s'interroge l'un d'eux. "Surévaluer des meubles dans une cuisine des années 90 est une chose. Anticiper le risque d'être surimposé ou de devoir attendre des années pour récupérer son logement squatté en est une autre", réplique Me Bretagne, notaire depuis 17 ans. La possibilité que le NFP, qualifié par les propriétaires de parti "anti-bailleurs", prenne le pouvoir, fait réfléchir les acheteurs : maintenir le projet, insérer une clause suspensive ou quitter la France. "L'Italie a la cote en ce moment auprès des Français qui cherchent de la sécurité", confie Frank Sylvaire, directeur associé de Paris Ouest Sotheby’s Realty, qui redoute "la pire crise depuis l'élection de Hollande en 2012".


Et le vendeur dans tout cela ?


Cette clause est-elle légale ? "Pour être légale, une condition suspensive ne doit pas être potestative (article 1195 du code civil), c’est-à-dire que sa réalisation ne doit pas dépendre entièrement de l'action ou de la négligence de l'une des deux parties", explique Me Bretagne. C’est le cas de la clause suspensive d'obtention de crédit, qui permet à l'acheteur d'annuler une vente immobilière s'il n'obtient pas de prêt, mais aussi d'une élection politique. Encore faut-il que le vendeur accepte cette condition ! Ce qui n'est pas garanti, surtout si l'acheteur cumule les deux clauses mentionnées plus haut.


Dans un contexte où les taux de crédit, malgré leur baisse, restent élevés, les clauses suspensives sont rarement bien vues par les vendeurs. Cela montre à quel point la tension sur le marché immobilier est forte. "Un vendeur préfère souvent signer avec un acheteur qui propose un prix moins élevé mais sans clause, notamment de crédit", souligne Olivier Clermont, notaire à Paris. L'instabilité politique en France n'améliorera probablement pas la situation. Certains courtiers craignent une hausse des taux de crédit en cas de victoire des extrêmes.